De multiples tâches
attendaient le "nouvel" État. Il lui fallait se dégager des influences
administratives étrangères, rallier une fraction réticente de l’armée de
libération, créer des institutions.
Il lui fallait aussi retrouver le sens de son
évolution historique.
La lutte pour l’indépendance
semblait se poursuivre par la reconquête d’un passé qui paraissait avoir été
doublement confisqué: d’une part dans sa gestion, d’autre part dans son
écriture dont on supposait qu’elle avait été systématiquement déformée par la
vision "coloniale".
La redécouverte de leur passé par les Marocains et le
renouvellement de l’historiographie dominent ainsi la vie culturelle du Maroc depuis
les années 1960.
Au vrai, le protectorat, s’il
avait fourni des instruments de travail en publiant des sources européennes (Les
Sources inédites de l’histoire du Maroc , 30 vol.), des monographies (Villes
et Tribus , 13 vol.) et des revues d’un haut niveau scientifique (Archives
berbères , 1915-1920; Archives marocaines , 1904-1936; Hespéris,
depuis 1922), avait surtout encouragé les travaux archéologiques.
Les premières années de
l’indépendance sont marquées par un manichéisme aux valeurs inversées, ainsi que
par la recherche de la spécificité de l’histoire marocaine dans des
interprétations générales souvent d’inspiration marxiste.
Le renouvellement se fait dans les
années 1980 seulement.
Il est dû conjointement à la relève de jeunes historiens
marocains et à l’accès à de nouvelles sources.
Au Maroc, la direction des Archives
royales a commencé de publier, à partir de 1972, les documents du Makhzen (El
Wuatiq, 7
volumes parus), puis a ouvert aux chercheurs, précautionneusement, puis assez largement,
les fonds royaux. La multiplication des universités (13 en 1992) a décentralisé la
recherche, accru le nombre des départements d’histoire avec leurs congrès, leurs
revues, leurs instituts de recherche.
Une partie croissante de la
production historique est publiée en arabe. Elle demeure peu connue hors du Maroc à
cause des difficultés de diffusion des livres et des revues. La plupart des nombreuses
thèses universitaires, en grande partie exemptes des travers de la période précédente,
utilisent de manière scientifique des sources multiples.
À la fin de 1988, l’ouverture
des Archives françaises rapatriées du Maroc et conservées dans le dépôt des Archives
diplomatiques de Nantes a donné un nouvel élan à la recherche.
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