Le régime du
protectorat est hypothéqué par les engagements internationaux, comme l’acte
d’Algésiras qui, imposant le système de la porte ouverte, interdisait toute mesure
de protection douanière, et par d’autres accords signés par la France, qui
divisaient le pays en trois parties administrées différemment. À l’Espagne fut
confiée, le 27 novembre 1912, une zone d’influence au nord (Rif) et au sud
(Tarfaya, Ifni). Le statut définitif de Tanger, sous contrôle international, fut réglé
en 1923 par la convention de Paris.
Pendant quatorze ans, le protectorat
s’incarna dans la forte personnalité de Lyautey, premier résident général
(1912-1925).
Il fit œuvre de conquête, d’organisation, de mise en valeur. Le
ralliement des tribus, au nom du sultan, s’obtint en usant de diplomatie à
l’égard des grands caïds ou en effectuant des opérations militaires.
Les
institutions laissèrent subsister le makhzen central et les anciens pouvoirs locaux
complétés et contrôlés par une administration nouvelle.
L’action économique, à
l’aide d’importants capitaux privés, pour une grande part contrôlés par la
Banque de Paris et des Pays-Bas, mettait en place un vaste équipement, cependant que la
colonisation rurale se développait: ainsi, 57 000 hectares de lots officiels
furent distribués et près de 200 000 hectares achetés par des particuliers en
1922, tandis que s’accroissait le nombre des Européens (40 000 immigrants
de 1919 à 1922).
Mais l’essor économique,
s’il entraînait le pays dans les voies nouvelles, n’était pas sans causer de
graves déséquilibres qui rapidement se traduisaient par des mouvements sociaux et
politiques.
L’opposition de la domination européenne allait provoquer la révolte
des masses paysannes (révolte d’Abd el-Krim, 1921-1926), relayées à partir des
années trente par les nouvelles élites urbaines, avant que n’entrent en scène,
après la Seconde Guerre mondiale, les masses ouvrières.
Abd el-Krim sut exploiter
l’opposition à la domination européenne et le mécontentement des populations
rifaines; la République des tribus confédérées du Rif mit un moment en péril le
protectorat.
La reddition d’Abd el-Krim en 1926, comme le retrait de Lyautey, ouvrit
une nouvelle période où la France recourut de plus en plus à l’administration
directe, accéléra la colonisation rurale (en 1935, 840 000 ha, dont
271 000 ha de lots officiels), encouragea le peuplement européen et reprit la
conquête militaire, achevée en 1944.
Les effets de la crise économique mondiale, qui
fut sensible au Maroc en 1931-1932, des maladresses administratives, comme le dahir
(arabe, zahir , loi) sur la juridiction berbère de mai 1930, la poussée
démographique et ses premières conséquences sociales provoquèrent les premiers
symptômes d’une nouvelle opposition.
Celle-ci ne vint plus de la montagne et des
forces traditionnelles, mais des jeunes élites modernes.
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